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  • Paul Wagner

Les câbles sous-marins, un enjeu de puissance


Introduction

Les câbles sous-marins permettent d’assurer 99% des télécommunications mondiales tandis que les satellites en assurent moins de 0,4%. Enfouis sous la mer, ces câbles en fibre optique accompagnés de routeurs permettent de se connecter à internet, d’effectuer des transactions financières, de s’appeler ou encore de regarder la télévision, ce qui suscite les convoitises des différents acteurs. Ces infrastructures sont essentielles au bon fonctionnement de nos économies et de nos sociétés. On distingue trois types d’acteurs parmi lesquels on retrouve les opérateurs, les armateurs et le équipementiers. Les opérateurs sont bien souvent réunis en consortium car l’investissement financier est conséquent. Les armateurs doivent quant à eux étudier l’orographie sous-marine pour ensuite procéder à la pose des câbles et enfin en assurer le maintien, ce qui a également un coût. Enfin, les producteurs se partagent le marché, ce qui crée des rivalités entre nations. On retrouve parmi eux l’américain Subcom, le japonais NEC, le chinois Huawei Marine Networks et enfin Alcatel Submarine Networks qui est sous la tutelle du finlandais Nokia. Ces câbles génèrent donc des questions quant à la protection des données, de l’environnement et le bon fonctionnement économique et social des pays. C’est en 2012 que l’importance des câbles sous-marins devient évidente alors que la National Security Agency (NSA) utilise ces derniers pour intercepter des données jugées sensibles à l’aide de sondes.



Mise en contexte


Le premier câble télégraphique est posé en 1851 entre Douvres en Grande-Bretagne et le Cap-GrisNez en France. Ce câble avait pour vocation de transmettre plus rapidement les données boursières entre Londres et Paris. En 1858, le premier câble transatlantique est inauguré en 1858 entre Valentia en Irlande et Trinity Bay au Canada. Leur nombre explose ensuite, on en trouve 200 000 km en 1900. L’Union Télégraphique Internationale est créée en 1865 pour gérer ces infrastructures. Le premier câble téléphonique est posé en 1956 et le premier câble à fibre optique est quant à lui posé en 1988. Les câbles sous-marins servent donc d’abord des intérêts économiques et permettent à un monde globalisé et interconnecté d’advenir.


Le premier câble transatlantique en 1858 posé par l’homme d’affaires Cyrus Field et avec l’appui de Samuel Morse et Matthew Fontaine Maury https://picryl.com/media/chart-of-the-submarine- atlantic-telegraph


Cependant, ces câbles s’avèrent également cruciaux pour les pays colonisateurs comme la France ou la Grande-Bretagne qui surveillent plus aisément leurs territoires. A cette époque, la Grande- Bretagne est la première marine au monde, ce qui lui permet de contrôler la plupart des données mondiales. Cela s’illustre par la décision prise de couper les câbles sous-marins allemands à la veille de chaque guerre mondiale par les autorités britanniques. Aujourd’hui, les Etats-Unis disposent de 10 des 13 serveurs racines et 80% des données y transitent.



Carte des câbles sous-marins en 2021 . https://submarine-cable-map-2020.telegeography.com/hstc=233546881.07a14415e8ec79c662ce0d1dce56477b.1589198211044.1591967762688.1592063964762.16&hssc=233546881.1.1592063964762&hsfp=4216216632




Espionnage

L’enjeu géostratégique que représentent les câbles sous-marins fut saisi relativement tôt. Dès les années 1970, l’armée américaine interceptait les communications de l’armée soviétique dans la mer d’Okhotsk. Les Etats-Unis s’appuient ensuite sur leurs partenaires historiques avec lesquels ils forment les Five Eyes en 1995, à savoir l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni pour intercepter les communications. Cela est révélé au grand jour par Edward Snowden en 2012. Mais progressivement, la Chine a recours à des méthodes similaires. En France, la DGSE capte les données en provenance du Maghreb et du Moyen-Orient. L’espionnage est donc un enjeu central en ce qui concerne les câbles sous-marins.


La question de la propriété

L’espionnage pose la question de la propriété de ces câbles. En dehors des Zones Economiques Exclusives, les Etats ont la possibilité de poser des câbles. Mais qui contrôle vraiment les câbles sous- marins et les serveurs reliés ? Les Etats se livrent à une concurrence directe ou indirecte par le biais d’entreprises comme les GAFAM ou les BATX. Par le biais de leurs entreprises, les superpuissances que sont la Chine et les Etats-Unis ont une place de choix. La Chine investit massivement dans ces infrastructures à des points stratégiques notamment comme dans le cas du canal du Nicaragua ou à Marseille. Entre 2016 et 2020, 20% des câbles sous-marins posés l’étaient par des entreprises chinoises. Cela inquiète les Etats-Unis qui font échouer la construction de câbles par les entreprises chinoises comme dans le cas du raccordement entre New York et Londres par Huawei en 2013 ou encore le raccordement prévu entre Los Angeles et Hong Kong qui devait être mené par Google et Facebook. Les autorités américaines justifient cela par les risques d’espionnage par Pékin, quand bien même les Etats-Unis espionnent la Chine, en atteste l’interception de données passant par le consulat chinois à Auckland par les services secrets néozélandais pour la NSA. Toutefois, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à posséder des câbles. En 2020, Facebook et Google possèdent 29% de la totalité des câbles posés sur le plancher océanique. Google possède même un câble allant du Chili à Los Angeles, le câble Curie. Facebook et Microsoft ont quant à eux déployé le câble Marea entre Virginia Beach aux Etats-Unis et Bilbao en Espagne permettant le transfert de 160 térabits par seconde. Cela leur donne un levier important, même face aux gouvernements car si les entreprises doivent obtenir des permis au même titre que les gouvernements, les entreprises deviennent alors propriétaires des données qui transitent par leurs câbles.


Un enjeu de développement et de sécurité

Aujourd’hui encore, l’accès à internet reste compliqué pour certains pays notamment en Afrique, ce qui engendre des retards de développement économique. En effet, un pays bien connecté avec le reste du monde attire plus facilement les entreprises qui consomment du débit. Des services délocalisés depuis les pays développés peuvent s’implanter dans de nouveaux pays connectés par les câbles sous-marins comme avec des centres d’appel par exemple. Le développement peut cependant être menacé par l’emprise de régimes non démocratiques, ce qui pose la question de la sécurité. Ce fut notamment le cas dans les pays arabes au moment des révolutions et plus particulièrement en Egypte où la coupure ordonnée par le régime dura cinq jours en 2011. Cela est également le cas avec la Chine qui contrôle la presque totalité des câbles sous- marins qui alimentent l’internet chinois. Le régime communiste subventionne ses entreprises comme China Unicom pour construire des câbles partout dans le monde, surtout dans le cadre des nouvelles routes de la soie, comme en atteste le câble SEA-ME-WE 5. Pékin subventionne aussi la construction de câbles à travers le monde comme par exemple entre le Brésil et le Cameroun, ce qui pourrait lui permettre de contrôler les données entre les pays impliqués. Mais cela n’est pas nouveau comme nous avons pu le voir avec la révélation de PRISM par Edward Snowden. C’est dans ce contexte que l’Australie a rejeté la construction d’un câble la reliant aux îles Salomon pour maintenir une certaine souveraineté numérique.


Conclusion


Nous assistons donc à une polarisation des données entre les Etats-Unis, la Chine et les multinationales pour le contrôle des données qui est un enjeu essentiel.





Sources :

https://www.youtube.com/watch?v=j07V-P7-MBo

https://www.youtube.com/watch?v=zKP64qjxkM0

https://www.mironline.ca/undersea-espionage-ownership-of-underwater-internet-cables/

https://jpia.princeton.edu/news/leveraging-submarine-cables-political-gain-us-responses-chinese- strategy

https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/virtuel- reel#section-2

https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2014-3-page-149.htm?contenu=article


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