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  • Writer's pictureLouis Smesman

Olaf Scholz : son bilan et ses défis

Le 8 décembre 2021, Olaf Scholz devient le nouveau chancelier fédéral allemand et succède à Angela Merkel, dont le mandat avait duré près de 16 ans. A la tête d’un gouvernement de coalition entre les sociaux-démocrates, les libéraux et les Verts, la politique de l’ancien vice-chancelier de Merkel était censée reprendre les grandes lignes de sa prédécesseuse. Néanmoins, cette première année à la chancellerie, marquée par un contexte économique plus difficile et une situation géopolitique tendue ne fut pas simple pour Olaf Scholz. Il est désormais temps de dresser le bilan de ce début de mandat post-Merkel et d’analyser les différents défis qui se présentent à l’Allemagne.





Fraîchement nommé, Olaf Scholz doit faire face à un défi de taille : l’invasion russe en Ukraine, synonyme de retour de la guerre en Europe. Bien que l’Allemagne soit la première puissance économique de l’Union européenne, son armée n’est pas au même rang ; la Bundeswehr est même déclarée non-opérationnelle du fait de faibles investissements dans ce domaine. Dans ce contexte menaçant, le chancelier a annoncé le 27 février 2022, soit 3 jours après le début de la guerre en Ukraine, la constitution d’une enveloppe de 100 milliards d’eurosdestinée à renforcer l’armée allemande. L’objectif est de taille : devenir la première armée conventionnelle d’Europe. Ce projet ambitieux est surtout d’une grande nécessité au regard du tableau géopolitique du monde. En effet, la non-intervention des Etats-Unis contraint les européens à réfléchir à leur propre défense avec acuité, et l’Union européenne compte beaucoup sur l’Allemagne dans un potentiel et difficile projet d’Europe de la défense. Le 25 janvier, 14 chars allemands Léopard II et 31 chars américains Abrams ont été livrés en soutien à l’Ukraine. Au problème militaire s’ajoute aussi celui de la diplomatie : quelle relation tisser désormais avec Moscou, alors que l’Allemagne aide militairement le rival ukrainien ?


Alors que les deux pays ont gardé une certaine proximité depuis la chute du bloc soviétique, les liens entre Allemagne et Russie se sont considérablement détériorés. La construction du Nord Stream 2, gazoduc censé fournir l’Allemagne en gaz passant par la mer Baltique, a été suspendue, et en septembre 2022 le gazoduc Nord Stream 1 a officiellement cessé de fonctionner. Cette rupture des liens économiques n’est pas sans répercussion en Allemagne, qui a dû rallumer une vingtaine de centrales à charbon, prolonger l’activité de 3 centrales nucléaires et construire de nouveaux terminaux gaziers pour pouvoir se chauffer. Or, ces mesures d’urgence ont deux conséquences. La première est que celles-ci vont à l’encontre des paradigmes du gouvernement, en partie formé par le parti écologiste. La deuxième concerne l’arrêt programmé des dernières centrales nucléaires en Allemagne initialement prévu pour fin 2022 : un report de trois mois a finalement été annoncé pour ne pas manquer d’électricité cet hiver. Le sujet de la production d’électricité risque d’être évoqué pendant encore quelques années en Allemagne.


La guerre en Ukraine a un fort impact pour l’Allemagne au niveau géopolitique mais aussi en matière de politique intérieure. Sur le plan économique, le salaire minimum a considérablement augmenté, passant de 9,84 à 12 euros bruts par heure. Cette hausse, bien que prévue par la loi, reflète surtout la pénurie importante de main d’œuvre dans le pays. En août 2022, 2 millions de postes étaient à pourvoir. Pour pallier ce manque, le gouvernement pense avoir recours à une main d’œuvre étrangère. Aussi, face à une augmentation dramatique des prix de l’énergie, le ministre des Finances, membre du parti libéral allemand, a injecté 200 milliards d’euros dans l’économie allemande, soit 5% du PIB annuel du pays. Pour y parvenir, l’Allemagne a dû contourner la règle du frein à l’endettement pour la 3ème année consécutive. Le frein à l’endettement est une mesure nationale votée en 2009 pour faire baisser la dette du pays et la rapprocher des 60% du PIB, plafond initialement fixé par le traité de Maastricht. L’économiste allemand M.Fratzscher estime que le gouvernement devra encore déroger à la règle pour les trois prochaines années. Sur le plan politique, la coalition est en désaccord sur certaines questions, notamment sur la politique fiscale édictée par les libéraux. Par ailleurs, le gouvernement peine à se décider sur une vision commune de l’avenir de l’Allemagne : « on a l’impression que le gouvernement fédéral n’a aucune stratégie sur le long terme sur comment il veut positionner l’Allemagne dans les années à venir, que ce soit sur le plan économique ou sociétal. On n’a pas de stratégie qui prenne en compte la protection du climat, les transformations de l’économie vers les nouvelles technologies, la compétitivité globale » déclare M.Fratzscher.



Le 4 novembre 2022, Olaf Scholz s’est rendu à Pékin pour rencontrer Xi Jinping et développer le partenariat économique entre l’Allemagne et la Chine. Lors de cet entretien, le chancelier a notamment demandé au président chinois de faire pression sur Moscou au sujet de la guerre en Ukraine, persuadé que la Chine peut avoir uneinfluence sur les décisions du Kremlin. Alors qu’aucun dirigeant du G7 ne s’était rendu en Chine depuis le début de la pandémie, cette visite a été très mal accueillie par les alliés européens de Scholz, au moment où un climat de méfiance occidental vis-à-vis de la Chine s’est constitué depuis la pandémie de Covid-19. La France a également reproché à l’Allemagne de faire cavalier seul concernant les affaires étrangères européennes. Par ailleurs, ce voyage en Chine a fait débat au sein du gouvernement allemand. En effet, la ministre des affaires étrangères Annalena Baerbock, représentante écologiste dans le gouvernement d’Olaf Scholz, a déclaré ne plus vouloir « dépendre d’un pays qui ne partage pas nos valeurs » alors que la Chine est le pays qui exporte le plus vers l’Allemagne.


En tant que locomotive économique de l’Union européenne, le rôle de l’Allemagne est crucial dans la gestion des affaires européennes. Sa voix a été très importante lorsqu’il a été question d’accepter ou non la demande d’adhésion exceptionnelle de l’Ukraine à l’Union européenne. L’Allemagne peut compter sur son poids démographique et économique en Europe pour influencer les politiques mises en place par l’Union européenne, comme la mise en place d’une monnaie européenne forte, l’euro, en 1992. Cependant, la France est soucieuse de cette montée d’une Allemagne qui s’appuierait sur l’Union européenne pour favoriser ses propres intérêts, alors que la France porte le projet d’une Europe forte qui ne peut se réaliser sans des actions conjointes entre la France et l’Allemagne. Le plafonnement des prix du gaz a même été un sujet de discorde entre Paris et Berlin. Aussi, il est intéressant de souligner que la France prône le « couple franco-allemand » alors que l’Allemagne parle davantage de « tandem », ce qui initie une certaine distance allemande vis-à-vis de la France. Pourtant, l’Allemagne sait qu’elle ne peut se passer de la France sur des sujets économiques et géopolitiques, notamment sur la question ukrainienne. Le dimanche 22 janvier, à l’occasion du 60ème anniversaire du traité de l’Elysée, Emmanuel Macron a reçu en grande pompe Olaf Scholz. L’augmentation des prix de l’énergie, la guerre en Ukraine et la défense européenne ont été au centre des négociations entre les deux grandes puissances de l’Union européenne.




Ainsi, le bilan d’Olaf Scholz est inattendu dû au contexte international tendu. L’Allemagne de Scholz doit faire face à la guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, géopolitiques et militaires, mais doit aussi surveiller attentivement sa dépendance à la Chine. En Allemagne, le chancelier a également pour mission d’assurer la cohésion pas toujours aisée au sein de son gouvernement, une entente essentielle à la stabilité politique du pays. Enfin, au niveau européen, si l’Allemagne est accusée de faire cavalier seul, symbole de la continuité de la politique d’Angela Merkel, Olaf Scholz ne peut se passer de son partenaire français.


Sources :

https://www.lesechos.fr/monde/europe/le-chancelier-scholz-celebre-la-cohesion-allemande-en-attendant-les-crises-politiques-de-la-rentree-1893049

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/12/09/allemagne-la-mue-incomplete-du-chancelier-olaf-scholz_6153650_3232.html

https://www.lefigaro.fr/international/l-allemagne-peut-elle-devenir-une-puissance-militaire-20230122

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/23/entre-la-france-et-l-allemagne-un-rapprochement-en-trompe-l-il_6158909_3210.html

https://www.humanite.fr/sites/default/files/images/89338.HR.jpg

https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20221104-le-chancelier-allemand-olaf-scholz-arrive-en-chine-pour-une-visite-controvers%C3%A9e

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nord_Stream

https://www.lepoint.fr/europe/l-allemagne-reporte-la-fermeture-de-certaines-centrales-nucleaires-06-09-2022-2488889_2626.php

https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEchangesPays?codePays=DEU

https://www.lecho.be/economie-politique/europe/general/marcel-fratzscher-diw-la-coalition-d-olaf-scholz-merite-un-10-sur-20/10433649.html

https://www.lemonde.fr/international/live/2023/01/25/guerre-en-ukraine-en-direct-la-cle-maintenant-est-la-vitesse-et-le-volume-des-livraisons-de-chars-affirme-volodymyr-zelensky_6159192_3210.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/M1_Abrams

https://www.connexion-emploi.com/fr/a/le-salaire-minimum-legal-en-allemagne-est-desormais-fixe-a-8-50#:~:text=Il%20est%20pass%C3%A9%20%C3%A0%2012,t%C3%B4t%20le%201er%20janvier%202024.&text=Le%20montant%20minimum%20l%C3%A9gal%20des,depuis%20le%201er%20janvier%202018.

https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/08/23/l-allemagne-durement-frappee-par-la-penurie-de-main-d-uvre-s-apprete-a-reformer-sa-politique-migratoire_6138723_3234.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Frein_%C3%A0_l%27endettement_(Allemagne)





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