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Tensions en mer de Chine
Updated: Feb 18, 2021

Tout d’abord, qu’entendons-nous par Mer de Chine ou plutôt, devrait-on dire, Mers de Chine ? Il s’agit de deux zones maritimes : la Mer de Chine Orientale et la Mer de Chine méridionale. Les pays limitrophes à cette région sont la Chine, les deux Corées, le Japon, Taïwan, les Philippines, l’Indonésie, Brunei, Singapour et le Vietnam. Cet espace maritime est davantage secoué par les rapports de force entre les États que par les courants. Il y a déjà une tension sur le nom de ces mers. La Chine garde l’appellation de « Mer de Chine » tandis que les deux Corées nomment la Mer de Chine Orientale « la Mer du Sud ». Depuis l’arrivée du président Xi Jinping en 2013, la Chine cherche à étendre son espace maritime au-delà de sa souveraineté, ce qui amorce des conflits entre les États de la région. Les tensions dans cette région sont à la fois économiques, diplomatiques et militaires. Nous pourrions même parler d’une tension idéologique. Nous allons vous proposer un aperçu de la complexité des rapports entre les puissances dans cette région et les conséquences d’un expansionnisme chinois de plus en plus important.
La « langue de bœuf » chinoise

La ligne en neuf traits, stratégie davantage connue sous le nom de « langue de bœuf », correspond à une envie d’expansion de la Chine sur la Mer de Chine méridionale. Ce plan de conquête a été imaginé à Nankin en 1948. Pour le gouvernement chinois, cette région maritime leur revient de droit. En 2013, un dixième trait est ajouté à cette exigence chinoise pour inclure Taïwan. Cependant, cette extension chinoise est interdite par la convention de Montego Bay en 1982. Elle stipule que tout pays ayant une ouverture sur la mer exerce une souveraineté pleine et totale sur celle-ci jusqu’à 200 miles nautique, soit 370 kilomètres au large. Il s’agit de la Zone Économique Exclusive (ZEE). En d’autres termes, les États étrangers à une ZEE sont interdits d’exploiter les ressources qui s’y trouvent. Pourquoi la Chine choisit-elle d’aller à l’encontre des droits internationaux ? La raison est économique. La Mer de Chine méridionale est riche en ressources minières (hydrocarbures, terres rares) et en ressources halieutiques. En 2019, plus de 50% des poissons consommés viennent de cet espace. La Chine est le premier consommateur de poissons et le premier pêcheur. Cette course à la ressource devient une source de tension majeure entre les États régionaux, notamment au niveau des îlots. Il suffit de les contrôler et de les habiter pour pouvoir prétendre à une extension de sa souveraineté et donc d’avoir accès à une nouvelle ZEE.

L’archipel Senkaku (ou Diaoyu en chinois) est un vecteur de conflit entre la Chine et le Japon. La Chine déploie des navires de plaisance comme des navires de guerre au large de cet archipel pour provoquer le Japon. Cette action mène à de nombreuses escarmouches entre les deux États. Un nouvel État joue un rôle non négligeable dans ces conflits d’intérêt sino-japonais : les Etats-Unis, alliés de l’archipel nippone. Lors d’une approche navale chinoise au large de l’archipel Senkaku, l’armée américaine a répondu à la provocation chinoise en envoyant une flotte dans la ZEE chinoise afin de menacer la Chine.
Les routes de la soie : vecteur de l’expansionnisme chinois

L’expansionnisme chinois est fondamentalement corrélé au projet des nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative (BRI)). On entend par « routes de la soie » des routes commerciales terrestres et maritimes qui vont accélérer les échanges entre les États et la Chine. L’État chinois met tout en œuvre pour mener à bien ce projet, notamment en rachetant des ports. Quels sont les enjeux des nouvelles routes de la soie pour la Chine ? Ils sont à la fois commerciaux et économiques. Tout d’abord, la Chine, malgré elle, ne peut rien faire toute seule. Ainsi, lorsqu’elle crée les routes de la soie terrestre avec des États étrangers, le gouvernement chinois, à l’aide du banque d’investissement, la BAII, investit dans les infrastructures du pays et dans les entreprises. Ce mouvement stratégique chinois est vu d’un mauvais œil par de nombreux pays qui y voient une forme de domination économique chinoise contre eux. Cependant, le président Xi prône l’idée d’une aide et promeut la totale transparence de son projet. L’autre intérêt chinois repose sur la sécurité de ses approvisionnements. En effet, comme la Chine rachète de nombreux ports, elle sème sur une grande partie des routes maritimes des bateaux de guerre pour protéger ses approvisionnements.
La Chine, à travers les nouvelles routes de la soie, a su lier de manière efficace la défense et l’attaque. Aujourd’hui, quel est l’effet de cet expansionnisme chinois ? Il s’agit d’une situation de dépendance favorable à la Chine. Le phénomène qui met en exergue cette dépendance n’est autre que le coronavirus. Avec la fermeture des usines en Chine, de nombreux secteurs sont en pénurie tels que celui de l’automobile, des nouvelles technologies, des produits pharmaceutiques et phytosanitaires. Nous ne pouvons nier le rôle majeur joué par la Chine sur la scène internationale. Il semble dès lors possible de dire que lorsque la Chine tousse, c’est le monde qui s’enrhume.
Bibliographie
Pour aller plus loin dans les rapports de force en mer de Chine :

Mottet, E. (2017). Géopolitique de la mer de Chine méridionale. Eaux troubles en Asie du Sud-Est Presses de l’Université du Québec

Fau, N. & de Treglode, B. (2018). Mers d’Asie du Sud-Est. Coopérations, intégration et sécurité CNRS Éditions
Pour aller plus loin dans les rapports de force entre la Chine et les Etats-Unis :

Khanna, P. (2016). Connectography : Mapping the future of global civilization
Sources
Le Dessous des cartes, Mer de Chine : bataille navale ? reportage d’Émilie Aubry, diffusé sur Arte, publié le lundi 30 septembre 2019 sur Youtube, 12 minutes 14 secondes https://www.youtube.com/watch?v=IL3ViF4N9ds&t=137s
(2017). « Route de la soie », la mondialisation selon Xi Jinping, Courrier International, 14 mai. https://www.courrierinternational.com/grand-format/chine-route-de-la-soie-la-mondialisation-selon-xi-jinping
Defranoux, L. (2016). Dix questions pour comprendre le conflit en mer de Chine méridionale, Libération, 12 juillet. https://www.liberation.fr/planete/2016/07/12/dix-questions-pour-comprendre-le-conflit-en-mer-de-chine-meridionale_1465463
(2015). Les îles Senkaku/Diaoyu : l’archipel de la discorde, Classe internationale, 30 novembre. https://classe-internationale.com/2015/11/30/les-iles-senkakudiaoyu-larchipel-de-la-discorde/
Medina, J.E. (2012). Japon-Chine : Senkaku/Diaoyu, les enjeux du conflit territorial, Diploweb, 19 décembre. https://www.diploweb.com/Japon-Chine-Senkaku-Diaoyu-les.html
Navionics - Carte marine Navionics+ - 35XG Mer de Chine et Japon Tyboat https://www.tyboat.com/achat/P-48271-carte-marine-navionics-35xg-mer-de-chine-et-japon.html